Les terrils sont issus de l’accumulation des roches stériles sorties des galeries de mine lors de l’exploitation du charbon et déposées à proximité du puits d’extraction.
Ils sont constitués de schistes et de grès avec une proportion de résidu de charbon qui a diminué au fil du temps et avec l’efficacité croissante des techniques d’exploitation.
Un nouveau regard
Plats, tabulaires, tronqués ou coniques, leur forme raconte les techniques et les époques de mise en œuvre. Les plus anciens sont de taille modeste, à peine perceptibles, les plus récents occupent des surfaces et atteignent des hauteurs impressionnantes. Ils sont souvent associés à des bassins de décantation où étaient déposés les produits de lavage, les “schlamms”, qui constituent aujourd’hui des sols noirs battants. Certains, sous l’effet du poids, ont entamé une autocombustion qui transforme le schiste noir en schiste rouge aux qualités mécaniques supérieures. Les matériaux qu’ils contenaient, roches ou charbon, en fonction de l’évolution du contexte économique ont progressivement pris de la valeur et, après avoir lentement modifié l’horizon des habitants, après une période de stabilité, parfois courte, beaucoup sont devenus des carrières à ciel ouvert et leur exploitation a bouleversé une fois encore le paysage.
Longtemps considérés comme les stigmates du “pays noir”, comme des verrues dont il fallait soulager le paysage, ils sont désormais constitutifs du cadre de vie et sont devenus des éléments du patrimoine avec lesquels s’invente le nouveau paysage du bassin minier.
Les commanditaires des études des années 1970 qui programmaient la disparition de ces “décharges industrielles” par l’exploitation ou par le remodelage en de douces formes collinaires avaient négligé la part essentielle du regard dans la construction du paysage. Et celui-ci a rapidement évolué pour prendre la mesure de la puissance évocatrice de ces formes, de leur caractère monumental, du témoignage qu’elles portaient sur le travail colossal des mineurs, de leur valeur culturelle et aussi du potentiel qu’elles représentaient pour le territoire.
Un potentiel du territoire
Dès 1988, l’association La Chaîne des Terrils organise la défense de ce qui est devenu un patrimoine. Elle fait adopter quatre ans plus tard une charte qui répartit les terrils en trois catégories : ceux qui doivent être préservés pour leur flore, leur faune où leur intérêt culturel ou paysager, ceux qui sont à aménager en raison de leur situation, de leur impact sur le paysage ou de leur intérêt dans un projet de développement touristique ou de loisir, ceux enfin qui peuvent être exploités en raison de leur richesse en matériaux combustibles ou de la présence de matériaux économiquement valorisables. Sur les trois cent trente terrils recensés en 1970 par les Houillères du bassin Nord-Pas-de-Calais, environ deux cents devraient être aujourd’hui préservés, s’inscrire dans la trame verte et bleue de la région et trouver une fonction et des usages nouveaux. Désormais, les terrils se visitent, on y fait du char à voile, du parapente, on y organise des manifestations culturelles, on y observe la nature, qui trouve ici des conditions exceptionnelles, habituellement propres au sud, propices au développement de certaines espèces. On y lit aussi une histoire de la terre avec des fossiles de fougères géantes et de la végétation de l’ère primaire.
La plupart restent des signaux dans le paysage, certains cristallisent le caractère monumental, d’autres sont des lieux de mémoire, d’autres encore sont devenus des réserves naturelles. À Aremberg, à Drocourt, à Lens, à Loos-en-Gohelle, ils sont le support de grands projets où se dessine l’avenir du territoire.
Philippe THOMAS
Paysagiste DPLG